L’invention de nos vies de Karine Tuil par Elissa ABOU MERHI, 1ère L
Le roman de Karine TUIL est une réflexion de haut niveau sur notre société, sur ce goût du pouvoir et de l’argent, de la renommée, sur la facilité de manipuler ; une réflexion poussée, réaliste et brillante. L’ouvrage raconte l’histoire de Samir Tahar, musulman d’origine tunisienne, qui, à cause des aléas de la vie, renie ses origines et utilise celles de son ancien ami, Samuel, juif aux parents professeurs décédés tristement, pour construire sa notoriété : il est maintenant loin de sa banlieue d’enfance, vit à New-York, est un avocat reconnu, et jouit d’un mariage « heureux » avec la fille d’un homme juif très puissant. Sa vie entière est construite sur une mascarade ; tout cela dans le but de réussir, de briller, d’être puissant. On voit ainsi jusqu’où un homme est capable d’aller pour gagner sa vie plus que modérément, enchaînant mensonge sur mensonge.
En parallèle à la vie de cet homme, L’invention de nos vies nous décrit celle de Samuel, l’ancien ami de Samir, écrivain raté, et de Nina, son épouse, autrefois convoitée par les deux hommes et qui avait finalement renoncé à Samir suite au chantage affectif de Samuel – il avait effectué une tentative de suicide pour la convaincre et lui prouver son amour. On voit ainsi comment ces deux personnes, à la quarantaine, n’ont rien fait de leur vie, n’ont rien réussi ; on voit l’ampleur de leur envie, de la jalousie, lorsqu’ils tombent sur Sam à la télévision, rutilant de succès. Jalousie non avouée qui va donner à Samuel l’envie de le revoir, envie qui le rendra presque fou et violent, à en forcer Nina à le rencontrer, moment où cette dernière va finalement retourner avec Samir, dans l’espoir d’avoir la vie dont elle rêvait secrètement.
Cependant, Karine TUIL montre une nouvelle fois l’équilibre dérisoire sur lequel repose le succès, basé sur des mensonges, en le faisant s’écrouler avec des évènements divers, et en provoquant un retournement de situation qui pointe du doigt la cruauté de la vie, la risibilité du bonheur auquel on croit et on s’attache, du bonheur que l’on se crée avec de l’argent et une puissance chimérique. De plus, Karine TUIL pousse plus loin sa réflexion sur la société, ne s’arrêtant pas à une simple envie de pouvoir et ses retombées, mais en démontrant également toute la complexité de l’intégration, la discrimination qui touche chacun, chaque jour, différemment mais bien présente, qu’elle soit raciale, religieuse ou sociale. Ainsi, Karine TUIL touche vraiment à tout ce qui fait l’actualité de notre société, avec un style fort appréciable et prenant, parfois grossier, adapté à la situation ou aux personnages dont le point de vue est exprimé, qui nous permet de nous attacher au roman et de le lire d’une traite. De plus, ses personnages, qui deviennent détestables ou appréciables au fil du récit, montrent qu’ils sont véritablement creusés et rendent l’intrigue d’autant plus intéressante. Avec tout cela, L’invention de nos vies a su me toucher et me captiver, faisant de son roman un de mes favoris.